Sujet : Bel exemple d'activisme législatif

Alors que j'étais dans mes grimoires en train de travailler sur le mariage, un paragraphe m'interpelle.

Devant l'accroissement du phénomène  des "mariages blancs", notamment en raison des difficultés rencontrées par les étrangers pour rentrer en France, le législateur est intervenu. Tout d'abord, les lois Pasqua du 22 juillet 1993, du 24 aout 1993 et du 30 décembre 1993 ont tenté de limiter les mariages entre un Français et un étranger, ces dispositions ont été renforcées par les lois bismuth du 26 novembre 2003 et 24 juillet 2006, complétées par une loi du 14 novembre 2006.

Plusieurs trucs.

D'abord, on voit que Pasqua et bismuth ont été à la même école. Agitation législative sur un sujet passionnel ("ces étrangers qui viennent marier nos filles"), avec des lois à quelques mois d'écarts sur le même sujet. C'est une absurdité, puisque les précédentes dispositions n'auront sans doute pas même commencées à être mises en application, donc ne parlons même pas de leur évaluation.

Ensuite, en tant que juriste, cette multiplication de lois sur le sujet fait rire jaune. Parce qu'antérieurement à ces lois, la solution juridique de ces cas existait déjà, et ce depuis au plus tard l'arrêt Appieto du 20 novembre 1963 "le mariage est nul faute de consentement lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale" (et cette jurisprudence est reprise de solutions au fond qui datent du XIXème)

Ce qui frappe, c'est la similitude. Même parcours politique (implantation locale dans un "bastion" de la droite, les hauts de seine, d'ailleurs bismuth et Pasqua se sont disputés Neuilly), même type d'intervention (la fameux langage"proche du peuple" on appelle un chat un chat, "débarasser de cette racaille" pour bismuth, "Terroriser les terroristes" pour Pasqua), même stratégie électorale (on drague les électeurs de l'extrême droite notamment sur la question de l'immigration et de l'insécurité, et on moque les "droits de l'hommistes")

Pourtant, il y a eu une différence notable entre Pasqua et bismuth. Pasqua n'était pas considéré comme très fréquentable, dans les années 90, si mes souvenirs sont bons, et sa stratégie de drague de l'électorat FN était loin d'être largement partagée à droite. Alors qu'avec bismuth c'est passé, à 53% (et plus que ça si on compte au sein de l'UMP).

"J’appartiens donc à la justice, dit l’abbé. Dès lors, que pourrais-je te vouloir ? La justice ne veut rien de toi. Elle te prend quand tu viens et te laisse quand tu t’en vas."

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Re : Bel exemple d'activisme législatif

Pasqua a surtout friquoté sévèrement avec l'agité du bocage, la baronne de Villiers.

Quant à ton discours, il gagnerait peut-être à ratisser plus large .....

Pute®

Re : Bel exemple d'activisme législatif

Topy a écrit:

Pasqua a surtout friquoté sévèrement avec l'agité du bocage, la baronne de Villiers.

Quant à ton discours, il gagnerait peut-être à ratisser plus large .....

Oui, je me rappelle que j'avais manifesté avec les colectifs de sans papiers, à l'époque.

Tiens, intellectualisons un peu le débat, j'ai justement une citation qui tue.

"[Pour éviter d'affronter un certain nombre de questions sociales], on les a transformé symboliquement en problèmes posés par l'immigration. Le débat ainsi perverti et déplacé a coûté cher aux immigrés, et a freîné le processus d'intégration" in Patrick WEIL "La France et ses étrangers. L'aventure d'une politique de l'immigration de 1938 à nos jours"

"J’appartiens donc à la justice, dit l’abbé. Dès lors, que pourrais-je te vouloir ? La justice ne veut rien de toi. Elle te prend quand tu viens et te laisse quand tu t’en vas."

Re : Bel exemple d'activisme législatif

thedarkdreamer a écrit:

Ensuite, en tant que juriste, cette multiplication de lois sur le sujet fait rire jaune. Parce qu'antérieurement à ces lois, la solution juridique de ces cas existait déjà, et ce depuis au plus tard l'arrêt Appieto du 20 novembre 1963 "le mariage est nul faute de consentement lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale" (et cette jurisprudence est reprise de solutions au fond qui datent du XIXème).

Ca me fait rire jaune également, cette inflation de textes de lois, des lois qui sont loin d'être indispensable. Deja au temps de son mandat au ministère de l'intérieur, les lois de Sarko sur la sécurité intérieure, qui avaient fait tant de bruit, étaient en partie inutiles. La jurisprudence s'était prononcée depuis au moins 30 ou 40ans sur les pouvoirs des préfets, les mesures à prendre pour maintenir l'ordre public ect ect...
Les membres du gouvernement ont et pensent donner l'impression d'agir en votant de nouvelles lois au moindre problème alors que les solutions existent deja.

A part ça, bien vu le paralléllisme entre les 2 bonhommes. J'aurais tant aimé voir la tronche de Pasqua quand Sarko l'a trahi aux municipales de Neuilly...

5 Dernière modification par thedarkdreamer (14-11-2007 19:38:11)

Re : Bel exemple d'activisme législatif

Topy a écrit:

Quant à ton discours, il gagnerait peut-être à ratisser plus large .....

Bon développons quelque peu.

Comme beaucoup à gauche, j'ai été déçu par la politique d'immigration de chevènement, que je jugeais à l'époque, trop timorée. La circulaire Chevènement de 97  m'a semblée bien trop timide dans son application(si mes souvenirs sont exact, quelques 80.000 régularisations pour 150.000 demandes).

Mais, si on se souvient du débat parlementaire, ça donne ça. (je tronque le texte pour enlever quelques scories typiques du débat parlementaire en séance, le texte intégral est en lien)

M. Paul Masson.  Comme ministre de l'intérieur, vous avez accepté, monsieur Chevènement, la lourde mission de déposer d'ici à l'automne de nouveaux textes sur l'acquisition de la nationalité française et sur l'immigration.
J'ai lu ce matin dans le Journal officiel la circulaire que vous avez adressée aux préfets. Je dois dire que c'est un modèle du genre !
Dans ce texte, vous invitez les préfets à délivrer, à titre exceptionnel et pendant une période illimitée, des titres de séjour à des étrangers qui n'y ont pas droit !
Vous posez un grand principe : la France doit lutter contre toutes les formes d'immigration clandestine ; voilà qui est clair.
Malheureusement, sont énumérées ensuite treize catégories d'exceptions pour lesquelles les préfets auront à faire des choix selon des critères subjectifs. Je pourrais citer dix exemples de ce clair-obscur qui s'explique manifestement par le souci que vous avez eu de laisser la responsabilité aux préfets.
Ces derniers porteront en tout état de cause la casquette ou le chapeau, comme vous voudrez : ou ils en feront trop et ils seront opportunistes, ou ils n'en feront pas assez et ils seront obtus. En cas de dérapage, ils seront bien évidemment coupables. Bien sûr, le Gouvernement ne sera pas responsable ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
Le plus redoutable, c'est la procédure choisie. Elle est écrite. Chacun devra expédier son dossier par la poste. Aucune décision ne sera prise avant le 1er novembre. Pendant quatre mois, chacun va s'organiser : la rumeur va grossir, la pression va monter, les officines vont fabriquer, les réseaux vont s'activer ; les regroupements vont s'organiser. (Exclamations sur les travées socialistes). Bref, aucun terme n'est fixé à cette procédure.
Combien de dossiers attendus, monsieur le ministre ? 20 000, 50 000 ou 100 000 ? Personne ne le sait, pas même vous.
En vérité, vous installez dans ce pays, jusqu'à la prochaine consultation électorale, un contentieux permanent sur un thème dont vous dites vous-même qu'il est pernicieux pour la France.
Ma question est simple, monsieur le ministre.  (Exclamations sur les travées socialistes.) Pensez-vous que cette récompense à la fraude est de nature à mobiliser vos fonctionnaires, des fonctionnaires qui, depuis tant d'années, s'échinent à appliquer des procédures ingrates enfermées dans des délais imbéciles ?
Cette procédure, étirée sur de longs mois, ne vous paraît-elle pas de nature à provoquer un appel d'air, où, encore une fois, toute la misère du monde sera tentée par le rendez-vous français ? (Protestations sur les travées socialistes.)

M. Jean-Pierre Chevènement,  ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je pense qu'il faut garder son sang-froid et se tenir à l'écart du surenchères démagogiques ou, le cas échéant, des tentations de l'angélisme...
La circulaire qui a été adressée aux préfets hier répond à des critères très précis. Il s'agit d'une mesure transitoire en attendant le dépôt, à l'automne, d'un projet de loi visant à refondre l'ensemble de la législation relative, d'une part, à l'entrée et au séjour des étrangers et, d'autre part, aux modalités d'accès à la nationalité française.
Vous n'ignorez pas que, après avoir fait l'objet de plus de 40 modifications, l'ordonnance de novembre 1945 est devenue absolument illisible et, de surcroît, inapplicable.
Dans ces conditions, pour éclairer le jugement des préfets, deux de mes prédécesseurs - MM. Pasqua et Debré - ont été obligés de procéder par la voie de circulaires, que vous flétrissez aujourd'hui.
La circulaire que j'ai adressée hier répond aux critères définis par la commission consultative des droits de l'homme, dont le Gouvernement a jugé utile de s'inspirer. Les catégories qui y figurent correspondent très exactement à ces critères.
Monsieur le sénateur, voudriez-vous empêcher des conjoints de vivre ensemble ?
Je parle de conjoints d'étrangers ! Si un professeur brésilien, par exemple, veut épouser une Paraguayenne, allez-vous l'en empêcher, surtout s'il enseigne en France ?
Les conjoints de réfugiés statutaires qui ont obtenu le droit d'asile sur notre sol n'auraient-ils pas le droit de se marier ? Voulez-vous séparer les familles ? Voulez-vous empêcher les enfants de rejoindre leurs parents ?
Toutes ces questions sont de bon sens, et il faut y répondre de manière claire.
Je vais conclure.
La circulaire ajoute quelques catégories. Il s'agit de familles d'étrangers constituées de longue date en France, de personnes qui n'ont pas le statut de réfugié politique mais qui peuvent courir des risques vitaux si elles retournent dans leurs pays, de malades atteints de pathologies graves, enfin, d'étudiants qui ont fait la preuve de succès significatifs dans le cours de leurs études. La France doit rester un grand pays d'accueil pour les étudiants, les chercheurs, les hommes de culture du monde entier.
Ce n'est pas l'intérêt du pays de mettre toujours l'immigré au coeur du débat public.

Autrement dit, si la gauche du PS(dont je faisais partie) reprochait à Chevènement sa timidité, voire son absence de rupture avec la logique des lois Pasqua/Debré, la droite, durant ce temps, lui reprochait une générosité et une naïveté confinant à l'angélisme.

Je continue de penser que mon pays s'est mal conduit et continue à mal se conduire avec ceux qui viennent s'installer sur son sol. Il suffit de connaître des étudiants étrangers pour savoir comment ils sont obligés, comme des milliers d'autres étrangers, d'aller faire la queue dans la nuit (à 4h du matin en hiver, ça doit être le pied) devant les préfectures, sans savoir s'ils seront reçus. Et on parle de ceux qui sont en situation régulière.

Mais je ne sais pas si le PS s'est, autant que la droite, rendu coupable de cette instrumentalisation de l'immigration à des fins politiques que dénonçait récemment une secrétaire d'Etat du gouvernement actuel. Ca ne veut pas dire qu'il ne l'est pas, mais qu'il l'est sans doute un peu moins.

"J’appartiens donc à la justice, dit l’abbé. Dès lors, que pourrais-je te vouloir ? La justice ne veut rien de toi. Elle te prend quand tu viens et te laisse quand tu t’en vas."

Re : Bel exemple d'activisme législatif

Ben alors, on s'écharpe sur la turquie, mais sur l'immigration et les mariages blancs, il n'y a plus personne?

Décidément, De villiers a bien choisi son nouveau positionnement, l'immigration, ça eut payé, l'islamophobie, ça rapporte.

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Re : Bel exemple d'activisme législatif

Ben c'est que je n'ai pas eu le temps de lire. Et le mariage blanc c'est bien si tu passes une loi qui vire les deux d'un coup par la suite. On se debarasse en meme temps d'une petasse. C'est combo-gagnant !

« Je suis né d'un con, je mourrai comme un con » El Comandante Rebleauchón