JiHeM a écrit:kabal a écrit:Le jeu vidéo est un art à part, puisqu'il se base sur une interaction avec le joueur pour l'intégrer à l'oeuvre, et lui faire vivre quelque chose, que ce soit un grande histoire très construite ou juste une expérience ludique.
Je crois que le fond du problème est là. Pour beaucoup de gens, l'art doit se vivre de façon passive. Le public n'a le droit que d'être spectateur de l'art. Plume par exemple dit "pour moi, l'art se contemple". On écoute une symphonie, on regarde une peinture, on admire une sculpture. Tout cela reste passif, il y a une barrière entre l'oeuvre et le public. Dans un jeu vidéo au contraire, on est acteur à part entière. C'est ce qui gène beaucoup d'élitistes.
Alors, le public n'a aucun droit dans la relation de l'art à sa personne ou ses affects. Personne ne le force à être en position de réception d'une oeuvre d'art. L'art tu l'aimes ou tu le quittes, comme dirait l'autre. S'il choisit de venir contempler c'est qu'il accepte une sorte de contrat, s'il est déçu tant pis pour lui, il le savait à l'avance. A part ça, la passivité, pour moi, ça ne veut pas dire grand-chose. Je vois mal comment être "acteur" d'une sculpture dans un musée ou en plein air ou de la Joconde que tu cites que je ne peux d'ailleurs contempler que derrière une vitre. Que ça plaise ou non, certains arts impliquent la passivité du public, c'est la réception. Mais, car il y a toujours des contre-exemples, un public connaisseur en musique dite classique sait quand battre la mesure en frappant dans ses mains lors de l'interprétation et non à la fin et particulièrement dans le cadre de "marches militaires", il est donc acteur de l'interprétation au même titre que les musciens qui jouent sur scène. Par ailleurs, on peut soi-même sculpter, dessiner, peindre, jouer ou composer de la musique, etc.
JiHeM a écrit:Dans un jeu vidéo au contraire, on est acteur à part entière. C'est ce qui gène beaucoup d'élitistes. Le public s'approprie vraiment l'oeuvre qu'est le jeu, chacun vit son expérience comme il l'entend. C'est ce qui fait que, même si contrairement à La Jonconde ou à David un jeu n'est pas une oeuvre unique mais est copié à des millions d'exemplaires identiques, au final chaque personne le perçoit de manière différente, à sa manière. On peut même transformer ou détourner l'oeuvre originale en la moddant, hérésie ! On peut même utiliser l'oeuvre pour en créer une nouvelle, voir le succès grandissant des machinimas dans les festivals. Sacrilège ! Le jeu vidéo est un art vivant. C'est normal que ça choque quelques vieux réactionnaires à l'esprit étriqué, il faudra du temps avant que les mentalités évoluent.
Pour les "oeuvres d'art" il y a une liberté de circulation à l'intérieur de celles-ci quasi-immédiate (texte, image, son) surtout avec les techniques de reproductibilités contemporaines. Ce n'est pas le cas des jeux vidéos, si je n'arrive pas à passer un niveau, je peux m'acrocher pour voir les derniers niveaux qui tuent-sa-maman (à moins de tricher certes mais si j'entre dans une salle de musée je peux voir tout ce qui y est exposé). Autre chose, la linéarité de certains jeux vidéos fait que je suis obligé de suivre la voie choisie au préalable par les créateurs de JV si je veux progresser donc mon expérience sera strictement similaire à celle de millions d'autres joueurs, ce qui n'est pas le cas dans une "oeuvre d'art" ou je suis bien plus libre de tourner les pages à ma convenance ou de regarder tel endroit d'un tableau sans ordre préalable ou même de me promener à l'intérieur d'une série sans tenir obligatoirement compte de l'ordre choisi par les conservateurs.
Sinon, je ne vois pas pour quelles raisons je m'approprierai un jeu vidéo parce que j'en suis l'acteur (dans ce cas les cartes à jouer sont un "art vivant"?). En plus j'en suis l'acteur de façon virtuelle - ces pixels ne sont pas mon corps - quand je me prends une balle dans GTA, je ne suis pas mort.
Sinon bis, les "mods" ça existe depuis bien longtemps dans l'art, on n'a pas attendu les JV pour ça. Il existe énormement de scènes "figuratives" de la crucifixion qu'on pourrait considérer comme des "détournements" de l'oeuvre originelle soit la première ayant représenté cette scène. Idem en littérature, toutes les Antigones qui existent depuis l'Antiquité doivent avoir dépassé la cinquantaine et ne sont au fond qu'une réécriture de la première.
La marque distinctive des âmes modernes, ce n'est pas le mensonge, mais l'innocence, incarnée dans le moralisme mensonger. Faire partout la découverte de cette innocence - c'est peut-être la part la plus rebutante de notre travail.
Nietzsche