Le Mexique, donc. Sa végétation luxuriante, ses hommes qui se baladent partout machette en main, ses étals de sauterelles grillées sur les marchés, ses frêles maisons de bois et de tôle, ses pickups plein de flics armés de mitrailleuses, ses mototaxis qui se faufilent dans une circulation anarchique, ses gosses de 8 ans qui cirent des chaussures ou vendent des cigarettes à l'unité... Après 3 mois passés dans une Amérique du Nord somme toute assez proche de l'Europe, le Mexique constitue un premier choc culturel. Sans parler de la langue, et du rythme de vie, je l'ai déjà évoqué, très différent de la course contre-la-montre occidentale.
Niveau ruines précolombiennes, tout le monde vous dira d'aller à Teotihuacan. Il est vrai que ça se fait facilement en une demi-journée depuis la capitale, donc pourquoi pas. Les deux pyramides (soleil et lune) sont impressionnantes par leur taille, certes ; mais, d'un point de vue architectural, ce ne sont que des tas de pierres, sans raffinement ni ornementation d'aucune sorte. Je préfère nettement Monte Alban, surtout au matin, quand les ruines émergent doucement des nuages.



Teotihuacan



Monte Alban
Mon site préféré reste toutefois Palenque, car il est encore à moitié enfoui dans la jungle. Et la découverte de ce nouveau milieu fut un grande expérience. La jungle, on s'en fait une vague idée lorsqu'on la voit à la télé ; mais tant qu'on n'a pas senti ses odeurs, tant qu'on n'a pas entendu le terrible cri du singe hurleur, tant qu'on n'a pas respiré sa moiteur suffocante, tant qu'on n'a pas vu ces dizaines d'espèces vivant sur un seule arbre, le vampirisant de toutes parts dans un incroyable enchevêtrement végétal à demi pourrissant... On s'en fait une vague idée.



Palenque
Pas mal de dealers traînent autour de Palenque. L'un d'entre eux, torse nu, une énorme Mort tatouée dans le dos, nous aborde sur le chemin menant aux ruines pour nous proposer des champignons hallucinogènes. Nous lui demandons s'il n'a pas plutôt de l'herbe, il nous donne rendez-vous un peu plus loin au bord de la route. Quand nous nous approchons, surprise, il est accompagné de 3 autres mecs. Autour, rien d'autre que la route et la jungle. Avec Bertrand on se regarde, on s'échange quelques mots à voie basse, merde, on est au Mexique, on s'apprête à acheter de la drogue à 4 inconnus, qu'est-ce qu'on fait si ça se passe mal ? Mon coeur accélère, grosse montée d'adrénaline... Finalement, ce premier deal se passe bien.
Dans ces conditions climatiques, l'herbe est humide, le tabac est humide, le papier est humide, et rien ne sêche jamais, mais nous parvenons quand même à fumer tant bien que mal. Le soir, nous nous posons dans une cabane au milieu de la jungle. Un petit ruisseau coule juste devant la terrasse. Nous fumons beaucoup, hallucinés par le bruit de la forêt la nuit : le crépitement des insectes sur les feuilles mortes, les étranges cris d'oiseaux invisibles... Soudain je vois un point orange brillant passer en un éclair, à quelques mètres du sol, puis un autre. Je n'ai pourtant pas pris de champignons ! Je préviens Bertrand et il en voit aussi, ce qui me rassure un peu... En fait il y en a plein, et ces étincelles volantes sont un beau spectacle, même si nous ignorons l'origine du phénomène. Plus tard, nous apprendrons qu'il s'agissait d'une sorte de luciole.



La jungle autour de Palenque.
Ce séjour à Palenque fut aussi l'occasion de découvrir les premières pluies tropicales. Presque chaque jour, en fin d'après-midi, le ciel se déchaîne et toute l'eau du monde semble s'abattre au sol avec une violence inouie. Sous l'abri précaire d'un toit de tôle, il est impossible de parler tant le vacarme couvre le moindre son. Et lorsqu'on croit que l'orage a atteint son paroxysme, il parvient encore à redoubler d'intensité. L'eau dévale les rues, transforme les chemins en torrents, déborde de partout. Quand la pluie cesse enfin, une heure plus tard, la chaleur est déjà là et des volutes de vapeur s'élèvent doucement dans un air étrangement calme, diffractant la lumière du jour déclinant. J'ai passé plusieurs mois en Amérique centrale pendant la saison des pluies, mais à la fin de mon séjour je ne m'étais toujours pas fait à la violence de ces orages.

Misol-Ha, une cascade près de Palenque.