Hier soir, pour fêter halloween, je décida de participer à un trail dans un petit bled des monts du Lyonnais, où les chemins sont caillouteux et raides, également connu pour son parc avec des vrais loups vivants dedans. J'accompagnais une collègue qui ne se sentait pas en confiance après son entorse à la cheville du mois de juin, et ces 25km et 1350m de D+ semblaient tout à fait adapté à la préparation de mon trail long nocturne de début décembre. Je pensais torcher ça en moins de 3h, mais les premières montées sont là pour nous rappeler à la réalité : je suis un gros sac et tirer mon cul vers le haut coute cher en énergie, et en plus le chemin est cassant technique, même en descente on se traine, alors que c'est normalement mon point fort : et oui le lourdaud est inarrêtable à cause de son inertie.
La course se passe somme toute pas trop mal, et on avale les 12 premiers km au rythme limaçant de 8.30min/km. Le ravitaillement se fait désirer, la nuit est noire, il fait chaud, les frontales restreignent le monde visible à un faisceau de lumière perçant l'obscurité, les bruits de la forêt nous entourent. Une jeune femme vraisemblablement inquiète à l'idée de poursuivre cette aventure en solo s'arrête même pour se joindre à la route que j'ouvre pour quelques coureurs. Je me sens bien, j'avance un peu, et le chemin devient plus roulant. J'allonge le pas, enjoignant mes comparses à me suivre à coup de "aller on allonge" "aller c'est roulant là on y va les filles" bien sentis qui font leur effet aisément. Nous voilà alors fendant la nuit à 5min/km, observant au loin les éclairs qui eux aussi déchirent l'ombre au loin.
Mais sans doute mon corps me mentait, me donnant l'impression d'une aisance alors qu'il n'était déjà plus en capacité ? sans doute. Car voilà que levant insuffisamment le pied gauche dans ce terrain roulant certes mais non exempt de quelques irrégularités, mon orteil gauche tenta de voir s'il était plus fort qu'un cailloux dépassant de la route des justes. Mon orteil perdu ce face à face avec la nature et m'entraina dans sa chute, je mis les mains en avant, histoire de bien les exploser avant de faire une roulade et finir sur le dos. Un poil sonné, je pestais "Mais lève les pieds connard, putain à chaque course faut que tu fasses la même, bordel" Mes comparses me relevaient, et on repartait, moi couvert de boue sur le côté et le dos, la main et le genou sanguinolent et les plaies terreuses. Pas d'eau pour nettoyer : et oui, j'ai mis de l'isotonique dans une flasque et des carbs en poudre dans l'autre. Pas grave, le ravito ne doit plus être loin me dis-je, étant à mis course.
Évidemment le ravito était au 18ème km, je du me trainer avec la plaie terreuse bien 45min avant de le rejoindre. La jeune femme qui nous avait accompagné nous lâcha rapidement, sans doute se demandait elle si c'était une bonne idée de suivre un mec qui se boite en ligne droite sur le plat...
L'orage amena la pluie, et me voilà trempé jusqu'au bout du slip. Malgré la douleur à l'orteil, je serrai les dents et continuai. De toute façon où aller si ce n'est au bout ? Nous sommes au milieu d'un rien noir, notre monde ne fait que 20m éclairés devant nous, et nous suivons des rubalises attachées aux arbres et des traits fluorescents au sol.
Enfin à l'arrivée, je suis congelé, sale, mouillé d'un mélange odorant de sueur et d'eau de pluie, mais satisfait de l'effort accompli. 3h53, moins de 4h c'est la honte mais pas trop.
Un gentil jeune homme me pansa la plaie à la main, bien sale de terre et de sueur.

J'espère que ça va pas s'infecter, pensais-je.
Arrivé à la maison, je fis l'inventaire des dégâts :


Un peu d'antiseptique, une douche, et au lit, il est 3h je suis trop vieux pour ces conneries.
Ce matin la douleur à la main me réveille, j'ai des sueurs froides, j'arrive à peine à me mouvoir tant mon orteil me fait souffrir. J'espère que c'est pas le tétanos, il parait que c'est une mort horrible.
Merci pour tout, l'asile, c'est peut être la dernière fois que vous voyez mes pieds (pas épilés).